du 4 au 11 septembre 2014
Chapelle du Vieux-Village
Fox-Amphoux, dans le Var
Depuis quelques années l’artiste suisse Katharina Schärer, née à Zurich mais vivant depuis 1991 à Barjols, Var, ne réalise plus uniquement des créations à base de peinture coulant dans des alvéoles plaques de polycarbonate mais aussi des créations volumiques colorées textiles. Elle expose en début septembre ces deux types de productions à la chapelle du Vieux-Village, Fox-Amphoux. Après avoir tressé de gros tubes de plastique colorés à l ‘intérieur qui pouvaient pour certains occuper le mur et pour d’autres se poser sur un socle, elle travaille maintenant de nouvelles « peintures-sculptures » élaborées à partir d’une enveloppe de matériaux textiles. Elle récupère auprès des professionnels ou des connaissances des tissus de vêtements de toutes sortes ; elle choisit des fragments pour leurs couleurs, leurs textures, leurs éventuels motifs puis les coud afin de constituer un patchwork tubulaire irrégulier. Conçue pour devenir un volume, chaque pièce prendra forme lorsqu’elle sera remplie de billes de polystyrène puis nouée sur elle-même.
Les résultats sont très plastiques dans tous les sens du terme. Les figures que l’artiste compose à partir de ce qu’elle appelle avec ironie et dérision ses « boudings » sont très variées. Les figures élémentaires sont des nœuds, simples ou doubles, qui s’accrochent au mur. Lorsque plusieurs de ces pièces sont disposées ensemble, les regardeurs constatent les différences et forment leurs jugements en se basant sur leurs intérêts esthétiques personnels. Les uns parce qu’ils ont l’œil tactile considèrent les différences de matières, d’autres plus enclins à ressentir les accords de teintes s’arrêtent sur les alternances de subtilités colorées et de contrastes marqués. Plasticienne d’expérience, Katharina Schärer tire parfaitement partie des longs serpents de tissus qu’elle constitue. Habilement elle a choisi de ne pas donner pas à ces objets cylindriques une épaisseur constante : cela s’enfle par endroits et se rétrécit à d’autres, des protubérances aigües pointent souvent aux extrémités. C’est lorsque ces corps textiles disposés à même le sol s’entrelacent multiplement que les suggestions sensuelles voire érotiques se manifestent. De circonvolutions en circonvolutions, de passage dessus-dessous, l’œil attentif s’y perd, il ne parvient pas à déterminer où cela commence, où cela se termine, et ce qui appartient à qui dans ces gang bangs textiles. L’ironie surréaliste n’est jamais loin dans les créations de cette plasticienne suisse.
Les pièces suspendues de l’artiste proposent d’autres figures jouant dans ce cas à la fois sur la pesanteur et les enlacements. Le spectateur peut alors en tournant autour de la pièce saisir l‘équilibre instauré entre les côtés peinture, sculpture et art appliqué dans la mise en œuvre de ces matières textiles cousues et tressées.
Le travail textile de Katharina Schärer pourrait être rapproché de deux figures féminines tutélaires de l’art contemporain, Sheila Hicks d’un côté pour ses installations au sol ou suspendues, jouant habillement de la pesanteur et Louise Bourgeois de l’autre pour son utilisation de tissus modestes mais tactiles dans la constitution de ses poupées. Différence notable : malgré les suggestions signalées, la sensualité de l’artiste suisse est distanciée, elle ne laisse pas paraître le côté personnel, émotif et angoissant constant dans les créations de l’artiste franco-américaine. Ici c’est beau, sensible, questionnant mais pas troublant.
Jean Claude Le Gouic