Du 28 novembre au 2 décembre 2024
AAA studio
122, rue Amelot
75011 - Paris
1874 : un fermier américain de l'Illinois invente le barbelé pour protéger sa propriété du passage des troupeaux... et des Indiens. Le barbelé devient un instrument privilégié de pouvoir et de domination. Par sa facilité d'utilisation et son faible coût économique, il permet en effet de quadriller un territoire et d'assurer le contrôle des populations qui s'inscrivent dans cet espace : les bêtes d'abord mais aussi les hommes, de manière efficace et durable.
Il peut ainsi devenir un outil politique et un symbole universel de l'oppression, comme de la violence qui reste associée aux grandes catastrophes humaines de notre modernité. Mais le barbelé quadrille aussi les champs de bataille. On peut dresser aujourd'hui une cartographie de ses usages actuels : propriétés privées, prisons, frontières « chaudes ». Son succès ne se dément pas, même s'il a ouvert la voie à d'autres dispositifs de contrôle de plus en plus immatériels (vidéosurveillance, bracelet électronique, etc.) et qu'il peut paraître aujourd'hui d'une autre époque puisque de nouvelles technologies permettent aux pouvoirs d'investir tous les espaces dans la plus grande discrétion.
Récent, ou même abandonné, rouillé et brisé, le barbelé inscrit sa présence continue dans le paysage. Et son succès persistant tient précisément à ce qu'il n'est qu'un fil austère, modèle de simplicité.
Ce fil ne pouvait qu'intéresser l'objectif d'une photographe dont les travaux et la réflexion se sont par ailleurs beaucoup consacrés au textile, c'est à dire au fil et au maillage. Il n'est pas étonnant que lors de voyages en France, en Europe et plus loin encore, son œil se soit posé sur des fils de fer barbelés qui couturent le paysage : restes de clôtures dans des espaces abandonnés ou dégradés, clôtures actives dans des régions d'élevage, renforcement de barrières empêchant l'accès à des propriétés privées, marques d’interdit participant à la discrimination sociale et spatiale de nos sociétés. Pourtant au de-là de leur symbolique violente, les photos de barbelés rassemblées ici nous donnent souvent l'impression que ceux-ci ont trouvé leur place dans des paysages apaisés, et qu'ils leur apportent même une dimension poétique. Cela peut paraître étonnant, paradoxal. Mais, ne nous trompons pas, les photographies sont là aussi pour nous rappeler que notre humanité n'a pas rompu avec la discrimination et l'oppression.