Ibrahim Mahama

 

Documenta 14, 2017 (7’46’’)

INSTALLATION


Courtoisie du White Cube, Londres et Paris. © White Cube et l’artiste. Courtesy White Cube London and Paris. © White Cube and the artist.
Vidéo: Jon Lowe. Video: Jon Lowe.

 

À l’occasion de la Documenta 14 à Kassel en Allemagne et de sa résidence à Occupy Atopos à Athènes, Ibrahim Mahama a proposé de couvrir différents bâtiments emblématiques avec des sacs en toile de jute cousus en patchworks. L’artiste leur a donné le nom de “Check Points”, des portails faisant office de point d’entrée pour le contrôle des marchandises souvent aux mains de l’armée.
“La politique des espaces est déterminée par leurs formes – leur architecture et leurs infrastructures, ou leur absence – ainsi que par les idées, les buts et les intentions que ces formes servent. Les musées, les bâtiments gouvernementaux, les gares ou les quartiers résidentiels sont accessibles, habitables, effrayants ou inconfortables en fonction de leur politique spatiale. Ces caractéristiques sont absorbées, incarnées et émanées par les individus qui habitent ces espaces. Il est possible de perturber et de subvertir la politique des espaces en leur accordant de nouvelles formes, en leur imposant de nouvelles significations ou en les privant de leur signification voulue. La pratique d’Ibrahim Mahama qui consiste à recouvrir les bâtiments avec du tissu doit être lue dans ce cadre. Né en 1987 à Tamale au Ghana, Mahama enveloppe régulièrement des bâtiments – théâtres, musées, immeubles résidentiels, ministères – à Accra et Kumasi. L’artiste utilise des sacs de jute en lambeaux obtenus auprès de commerçants en échange de nouveaux. La monnaie est la mémoire. Les sacs – fabriqués en Asie, distribués dans le monde entier et utilisés au Ghana pour emballer le cacao, le café, le riz, les haricots et le charbon de bois pour l’exportation vers les Amériques et l’Europe – matérialisent une histoire du commerce mondial. Ils sont des preuves médico-légales dans l’enquête de l’artiste sur les manifestations mondiales de l’économie capitaliste, mais ils révèlent également les relations locales au sein de la classe ouvrière internationale. Celles qui les tissent, les emballent, les chargent et les transportent, laissent leur sueur, leurs noms, dates et autres coordonnées sur les sacs. Les sacs deviennent des peaux avec des scarifications qui trahissent leur héritage sociopolitique et économique. Le choix de Mahama du jute comme matériau, drapé sur les bâtiments et dissimulant leurs caractéristiques, perpétue une longue histoire de son utilisation comme tissu en Afrique de l’Ouest – pour les rideaux de fenêtres, les costumes traditionnels et la décoration. Après avoir récupéré les sacs, un groupe de personnes que l’artiste appelle des “collaborateurs” – essentiellement des migrants ruraux-urbains intranationaux – assemblent les immenses sculptures de jute dans une atmosphère conviviale. Les espaces dans lesquels cette couture est réalisée – qu’il s’agisse d’une gare désaffectée, d’un silo ou de la cour de la maison de ses parents – informent l’oeuvre: la sculpture prend la forme de son lieu de production autant qu’elle incarne l’esprit de cet espace. L’effet est de créer une nouvelle cartographie de ces villes, les espaces de réseaux en fonction des motivations et des finalités que Mahama concocte entre elles.” Bonaventure Soh Bejeng Ndikung.

  • English version

    On the occasion of Documenta 14 in Kassel, Germany and his residency at Occupy Atopos in Athens, Ibrahim Mahama offered to cover various iconic buildings with hessian bags sewn in patchwork. The artist gave them the name “Check Points” , portals acting as an entry point for the control of goods often in the hands of the military.
    “The politics of spaces are determined by their forms—their architecture and infrastructures, or lack thereof —as well as by the ideas, purposes, and intentions that these forms serve. Museums, government buildings, railway stations, or residential quarters are approachable, habitable, frightening, or discomforting according to their spatial politics. These characteristics are absorbed, embodied, and emanated by the individuals who inhabit these spaces. It is possible to disrupt and subvert the politics of spaces by granting them new forms, imposing new meanings upon them, or divesting them of their intended significance. Ibrahim Mahama’s practice of swathing buildings in fabric should be read within this framework. Born in 1987 in Tamale, Ghana, Mahama regularly envelops buildings—theaters, museums, residential buildings, ministries—in Accra and Kumasi. The artist uses tattered jute sacks obtained from traders in exchange for new ones. The currency is memory. The sacks—made in Asia, distributed around the world, and used in Ghana to package cocoa, coffee, rice, beans, and charcoal for export to the Americas and Europe—materialize a history of global trade. They are forensic evidence in the artist’s investigation into the worldwide manifestations of the capitalist economy, but they also reveal local relations among the international working class. Those that weave, package, load, and transport them leave their sweat, names, dates, and other coordinates on the sacks. The sacks become skins with scarifications that betray their sociopolitical and economic legacies. Mahama’s choice of jute as an artist material, draped over buildings and concealing their features, continues a long history of its use as a fabric in West Africa—for window curtains, traditional costumes, and decoration. After collecting the sacks, a group of people the artist calls “collaborators”—mostly intranational rural- urban migrants—stitch together the huge jute sculptures in a convivial atmosphere. The spaces in which this stitching is done—be it a disused railway station, a silo, or the courtyard of his parents’ house—inform the work: the sculpture takes the shape of its place of production as much as it embodies the spirit of that space. The effect is to create a new cartography of these cities, mapping and networking spaces based on the motives and purposes that Mahama concocts between them.” Bonaventure Soh Bejeng Ndikung