Mai 2015 : L’indigo

Par une fascination pour sa couleur particulière et pour toutes les productions qu’elle à engendrées – et engendre encore – tournons nous sur les expositions qui mettent à l’honneur une plante : l’indigo. Elle est la plus ancienne des teintures apte à être fixée durablement et a dominé le costume à travers le monde antique (l’indigo retrouvé en Egypte remonterait à 2500 av. J.-C.) comme en Inde, au Guatemala et dans le nord de l’Europe.

Indigo, un périple bleu – Bibliothèque ForneyBleu des Indes est l’une des hypothèses de l’origine du mot et la couleur ne fut pas toujours à l’honneur en occident, puisque le bleu est la couleur des Barbares à l’époque romaine. Ils s’en imprégnaient avant les combats, soit pour ses valeurs curatives, soit pour faire peur à leurs ennemis.

En Chine du Sud-ouest, dans les minorités ethniques comme les Miao ou les Dong où elle est encore abondamment employée – soit à domicile, soit chez un professionnel qui se déplace de village en village – la teinture à l’indigo est un véritable rituel chargé de secrets et d’anciens tabous. Et dans ce monde rural, une grande importance est accordée au rôle prophylactique et de protection de la plante imprégnée dans le vêtement, contre les insectes et les serpents.

Avant que l’exposition du Musée Forney ne ferme, voyageons grâce à elle sur les terres européennes, puis vers l’Amérique et enfin vers le Japon, en traversant la Chine, l’Asie centrale, le Moyen Orient et l’Afrique. La couleur indigo, s’obtient à partir des feuilles des plantes indigofères présentes dans les régions chaudes et tropicales du globe qui l’utilisent d’abord et l’explorent ensuite. Transformer la feuille verte en un pigment bleu relève autant de la magie que de la chimie, d’où l’engouement que suscite cette teinture universelle et le danger qu’elle a représenté pour la production du Pastel. L’exposition a réunit des univers que souvent l’on oppose, le folklorique et l’ethnique, l’Occident et les Pays du Sud. Elle a permis de considérer avec la même curiosité une blouse berrichonne ou un pagne dogon, et de démontrer l’universalité de la couleur bleue et de la teinture à l’indigo.

Du jean à l’indigo – Château de Sainte ColombeJusqu’au 30 juin, au Château de Sainte Colombe, ARCADE (Atelier de recherche artistique en création et en design) explore le domaine du textile et le design de mode à partir de la teinture à l’indigo. Les techniques traditionnelles et les techniques innovantes dont se sont emparés des créateurs contemporains sont mises en écho grâce au choix de pièces vestimentaires traditionnelles. Pour interroger la fascination de ce bleu particulier et afin de questionner mythe et technique, poétique et société, la scénographie de ces textiles est ponctuée par des objets en céramique, en verre, par des photographies et par des luminaires en pigments.

L’exposition « tsutsugaki, textiles indigo du japon » avait fait découvrir à l’été 2013, au Musée National des Arts Asiatiques Guimet, l’art des tsutsugaki, dont l’histoire commence au milieu de l’époque de Muromachi (1337-1573) et dont la conception est une œuvre collective, nécessitant les efforts conjoints d’un dessinateur, d’un artisan et d’un teinturier. Les motifs sont appliqués sur du coton tissé à la main. Les contours de l’image sont dessinés sur le tissu avec une colle à base de riz qui sort d’un tube pressé par l’artisan. Les motifs sont ainsi protégés lors du bain de teinture qui permet de teindre le fond du tissu. Les couleurs sont ensuite apposées à la main. Ces dessins ont généralement une valeur auspicieuse. Ainsi, les futons de mariage étaient souvent décorés de la sorte, tout comme la selle du cheval qui devait emmener la mariée vers le lieu de la cérémonie. On les trouve aussi sur les serviettes de bain des bébés.

Trois pays sont encore producteurs d’indigo végétal : le Bengladesh, le sud de l’lnde et le San Salvador. En France, il est possible de voir la plante sur pied dans le jardin botanique, entièrement consacré aux plantes tinctoriales, situé sur les terrasses du Château de Lauris, en surplomb de la Vallée de la Durance. Alors qu’aujourd’hui presque toutes les teintures à l’Indigo sont chimiques ou, au mieux, se font avec un mélange de la plante, plus de 250 espèces de plantes dont on extrait des colorants pour la teinture, l’encre ou l’alimentation, sont ici préservées.

Pour découvrir quelques autres secrets, écoutez l’entretien que Catherine Legrand, commissaire de l’exposition à la bibliothèque Forney, a eu avec Charles Dantzig sur France-Culture le 8 février 2015 à 14h 30.