La canicule a inauguré l'été, les grandes chaleurs se poursuivent et chacun pense aux vacances. Nous voilà tous tentés par le farniente. Alors, avouons le, nous avons surtout envie de vous encourager à aller en Bretagne voir l'exposition que nous avons montée à la Maison des Toiles de Saint Thélo, d'autant que les visiteurs qui y ont déjà été en font jusqu’alors des compliments.
C'est une exposition forte et élégante où chacune des deux salles d'exposition trouve une atmosphère particulière pour mettre en valeur des œuvres de formats, de techniques et d'époques très diverses. La première est plutôt rugueuse et matiériste, à l'image des deux grandes œuvres qui se font face, celle de Josef Grau Garriga et celle de Francis Wilson, toutes deux faites de gros cordages. C'est là aussi que se trouvent les œuvres d'apparence très simple de Marinette Cueco qui tresse les herbes pour construire des carrés minimalistes particulièrement émouvants. Les papiers tissés noirs et blancs de Françoise Ducret et le feutre pour un autre de ses panneaux renforcent le propos sur une matière qui s'impose. En contre point, mais allant toujours à l'essentiel, le cercle tout en douceur de Daniel Chompré amorce le passage à la couleur, par de simples geste répétitifs qui semblent avoir usé le support. Les cinq autres artistes qui occupent la salle apportent une part plus intimiste et amorcent des propos où la narration a sa part : Catherine Périn dessine avec le fil de nylon des silhouettes qui s'inscrivent comme des ombres sur fond de tissage translucide, Frédérique Petit noue le fil, l'entrelace pour finalement sculpter des nids légers et aériens, Françoise Pelenc, avec son tipi miniaturisé fait écho à l'enfance et au nomade qui transporte son habitacle fait de tissus lourds de vécu et de mémoire, Lucie Legris raconte au travers de minuscules pièces brodées en volume, ce dont notre chair est faite et, au sol, Marie-José Pillet nous provoque et nous agresse avec son chemin de croix fait de clous et de tapis brosse.
Dans quelques œuvres qui se suivent, un passage au figuratif s'opère avec les broderies fantasmagoriques d'Hélène Duclos et poétiques de Brigitte Bourdon, ainsi qu'avec la tapisserie inquiétante de Francine Meyer qui mêle coton et plexiglas pour évoquer notre humaine condition.
La deuxième salle est plus évanescente. Des rideaux d'œuvres suspendues aux poutres lui apportent une atmosphère propre à la méditation, telle l'installation de Cécile Dachary et les immenses robes d'enfants, blanches et transparentes, de Diana Brennan. Dans cette quiétude empreinte de spiritualité, les tissus rigoureux et structurés de trois autres artistes apportent à cette salle à la fois sobriété et légèreté : d'un coté ceux de Marie Hélène Guelton qui teint à la réserve des bandes de textile qu'elle recoud et de l'autre ceux de Monique et Rémy Prin qui revisitent l'exigence de l'ikat pour obtenir des panneaux suspendus, aux sobres dessins.Le rapport à la peinture est présent dans les travaux d'une grande minutie de deux artistes qui semblent ne rien avoir ensemble, mais qui pourtant confrontent la matière picturale avec des traditions textiles, la tapisserie pour Mireille Veauvy et la machine à coudre pour Jacques Deschamps. Pour terminer le parcours, le dernier mur porte des œuvres de Pierre Daquin, une figure importante de l'histoire de l'art textile, en écho aux artistes de l'ouverture de l'exposition. Une tapisserie blanche et des papiers kraft explorés par la déchirure résument un grand nombre de ces recherches qui allient le travail sur la matière, la connaissance des techniques et le désir d'expérimentation.
A un moment où une génération nouvelle redécouvre l'art textile, les différentes démarches qu'il est possible de rencontrer à la Maison des Toiles, sont une occasion de s'interroger sur des choix qui ont reposé en leur temps, et reposent aujourd’hui pour les plus jeunes, sur des approches artistiques marquées par des mouvements toujours contemporains et en lien avec les préoccupations de leur époque.