Le 11 juin a eu lieu la vente "Textile Art" dans les locaux récents de la maison de ventes Piasa, spécialisée dans le design.
Pour inaugurer l'exposition des œuvres et lancer cette vente, Piasa a organisé un débat, intitulé “Textile Art, histoire et renouveau” animée par Domitille d’Orgeval, responsable du département d’art moderne de Piasa, et avec la participation de Danielle Molinari, Pierre Daquin et Aurélie Mathigot. Une cinquantaine de participants, dont l'artiste Marinette Cueco, étaient présents. Ce désir d'introduire les œuvres en vente par un débat qui a permis de les situer historiquement est compréhensible, car cette vente est un évènement, la première en France consacrée uniquement à des enchères de tapisseries et d'art textile contemporain.
Cette recherche d'une clientèle peu connue et l’envie d’élargir le regard des collectionneurs vers un autre univers est un défi courageux. S'il y a de nombreuses galeries consacrées au design, il y en a peu qui défendent parallèlement la création textile, comme il n'y a aucune galerie d'art qui la soutienne régulièrement. La maison de vente Piasa profite-t-elle de son changement de quartier pour tenter de nouvelles orientations ? Début 2014 elle avait annoncé son installation dans les anciens locaux de la galerie Didier Aaron, au 118 rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans le VIIIe arrondissement. L'espace est de 1000 m² dans un carrefour stratégique où descend toute la clientèle internationale. À deux pas de l'hôtel Bristol, là où sont déjà installées les maisons de ventes Sotheby's, en face de l'Elysée, Christie's, avenue Matignon, et Artcurial, au Rond-Point-des-Champs-Elysées. Domitille d’Orgeval, responsable de la vente Textile Art, bien qu’attentive à ce qui se passe autour d’elle et très sensible à la matière textile, ne connaissait pas particulièrement ce domaine. Elle s'est lancée à la recherche de pièces importantes couvrant les années 60 jusqu'à aujourd'hui. Elle s'est, nous a-t-elle dit, aidée de notre site pour aller à la découverte des artistes textiles de renom et a également trouvé conseil auprès de Danielle Molinari.
Danielle Molinari a été responsable de nombreuses et magnifiques expositions d'art textile dans les années 80 au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Elle s'est interrogée, lors d'un entretien que nous avons eu avec elle, pour savoir s'il faut penser qu'avec la vente Piasa un nouveau marché apparaissait et qu'ainsi il faille y entrevoir un signe d'une relance de techniques considérées comme obsolètes. Mais aussi, faut-il voir, au-delà de cette vente qui n'est pas constituée que de pièces historiques, un intérêt nouveau pour le fil, la fibre et la matière textile même, dans la création contemporaine ?
Les œuvres proposées proviennent d'artistes de trois générations : les premiers, nés au début du 20e siècle pratiquent la tapisserie à plat en suivant un carton ; les deuxièmes, nés dans les années 35-45, ont créé la rupture et participé au renouveau de l'art textile quand celui-ci se libérait de toutes les contraintes techniques avec le mouvement de La Nouvelle Tapisserie ; les troisièmes, remarque Danielle Molinari, vivent avec ces acquis. Ils ne se sentent pas particulièrement artistes textiles. Ils ne mettent pas à l'index certains matériaux, mais s'autorisent des recherches parmi tous ceux qui sont à leur disposition. Pourtant, 80% des œuvres en vente sont des travaux tissés et majoritairement muraux. L'ensemble nous apparait trop classique pour que cette vente soit un vrai risque esthétique. Partagé entre le désir de déceler un courant neuf et d'atteindre une clientèle qui n'est pas encore définie, mais de réussir commercialement la vente, Piasa n'expose pas assez la contemporanéité. S'il n'a pas été facile de trouver des œuvres emblématiques des années 70-80, il devait être possible de se procurer des pièces de jeunes artistes qui n'ont rien à craindre pour leur côte d'une vente aux enchères.
Reste que cette vente c'est valider une matière, c'est revenir sur le souple tel que des mouvements artistiques de la fin du 20e siècle le promouvaient, c'est redonner sa valeur à des techniques qui ont permis une libération formelle, c’est répondre à un besoin actuel de fibre et de matière et, enfin, c'est redécouvrir, comme le dit la jeune artiste Aurélie Mathigot, que l'homme de la naissance à la mort vit dans un monde de tissus.
85 lots ont été mis aux enchères et 25 ont trouvé acquéreur. Il nous semble certain qu'une reprise d'un intérêt pour le textile est là, mais les acheteurs encore timides aurait besoin d'être encouragés par des marchands qui oseraient eux-mêmes prendre des risques et des orientations fortes.